Appel à communications 44e colloque international du GERAS

École normale supérieure Paris-Saclay

23-24-25 mars 2023

 

Cultures, mémoires et héritages en anglais de spécialité

 

La spécialisation de la langue anglaise peut se penser comme un phénomène à la fois culturel, mémoriel et patrimonial : utiliser des variétés spécialisées de l’anglais, c’est en effet manifester son adhésion à certains schémas culturels spécifiques, c’est afficher son appartenance à des communautés discursives professionnelles ou disciplinaires dont les traditions vous obligent, c’est reproduire dans la langue des legs qui encadrent et orientent nos choix. Maîtriser progressivement les codes et les conventions de ces variétés spécialisées de l’anglais, par un apprentissage formalisé ou informel, c’est entrer dans une culture propre aux communautés spécialisées, embrasser une mémoire, prolonger et faire vivre des héritages langagiers et comportementaux. Par la notion d’habitus, Pierre Bourdieu (1980 : 91) nous a en effet enseigné que nous sommes constamment soumis à l’influence d’une « mémoire collective reproduisant dans les successeurs l’acquis des devanciers ». Ainsi, les traces observables des cultures, des mémoires et des héritages dans la langue anglaise traduisent le fait que la spécialisation est avant tout un phénomène communautaire et collectif, qui agrège certaines communautés humaines, constituées autour de fonctions sociales particulières, autour de choix langagiers convergents.

Le 44e colloque international du GERAS, organisé à l’ENS Paris-Saclay les 23, 24 et 25 mars 2023, aura pour thème les cultures, les mémoires et les héritages en anglais de spécialité.

Nous accueillerons les propositions de communication sous forme de résumés (300 à 600 mots) portant par exemple sur les thématiques indiquées ci-dessous :

 

Milieux et domaines spécialisés anglophones

  • Comment caractériser les cultures – envisagées comme des systèmes complexes de valeurs, de normes et de représentations (Cuche 2004) – des milieux et domaines spécialisés anglophones ? Ces cultures sont-elles à l’origine de styles sociaux ou langagiers spécifiques ? Quels sont les cadres conceptuels les plus appropriés pour décrire ces phénomènes culturels en anglais de spécialité ? Quels sont les rouages intimes de l’interaction entre langue, culture et mémoire en anglais de spécialité ?
  • Les milieux et domaines spécialisés anglophones sont-ils dotés de « mémoires collectives », au sens où l’entendait le grand sociologue Maurice Halbwachs dans son ouvrage Les cadres sociaux de la mémoire (1925) ? Quelles seraient les manifestations langagières de ces mémoires dans les textes et les discours spécialisés, et comment s’en saisir comme objet scientifique en anglais de spécialité ?
  • Les approches ethnographiques en anglais de spécialité (Wozniak 2019) sont-elles à même de saisir les éléments constitutifs et les systèmes symboliques des groupes humains assemblés autour d’une fonction sociale commune, à savoir leur « ascendance commune, réelle ou supposée, [les] souvenirs d'un passé historique partagé, [leur] focalisation culturelle sur un ou plusieurs éléments symboliques définis comme l'incarnation de leur collectivité » (Schermerhorn 1970 : 12 ) ?

 

Analyse des discours, genres spécialisés, Fiction à substrat professionnel (FASP)

  • Quels seraient les contours et les linéaments des éléments culturels et mémoriels dans les discours et les genres spécialisés ? Comment se manifestent-ils concrètement dans la langue, le style et l’organisation rhétorique des textes ? En quoi ceux-ci appliquent-ils, avec un degré de contrainte plus ou moins prononcé, des modèles plus anciens, potentiellement constitués en héritages stylistiques ?
  • Les notions de « mémoire discursive » (Courtine 1981), de « mémoire interdiscursive » (Moirand 1999, 2007) ou encore de « prédiscours » (Paveau 2006, 2008) sont-elles pertinentes pour caractériser les discours et les genres spécialisés ?
  • S’agissant des genres spécialisés, faut-il poser avec Jean Paul Bronckart (2004 : 82) l’hypothèse de la « préexistence de genres de textes élaborés par les générations précédentes, organisés en un répertoire de modèles », faisant écho aux schemata génériques qu’évoquait déjà John Swales dans son ouvrage Genre Analysis (1990) ? En quoi les genres de discours spécialisés actualisent-ils des conventions génériques antérieures ou préformulées ? Les genres ne font-ils en définitive que reproduire des schémas culturels et mémoriels préétablis, ou existe-t-il en leur sein des dispositifs d’innovation et de différenciation ? En quoi l’étude diachronique des genres de discours peut-elle éclairer les aspects et mécanismes mémoriels qu’ils recèlent ?
  • Par quels voies et moyens la fiction à substrat professionnel (FASP) donne-t-elle accès aux cultures, aux mémoires et aux héritages des communautés anglophones spécialisées ? Quels mécanismes narratifs et symboliques utilise-t-elle pour les représenter ? Outre la langue et les pratiques des milieux spécialisés, la FASP s’attache-t-elle également à mettre en scène des substrats culturels ou mémoriels spécialisés ?

 

Didactique et secteur LANSAD

  • En didactique des langues, on parle souvent de l’enseignement d’une « langue-culture », marquant ainsi le caractère indissociable du système langagier et de la culture à laquelle il est invariablement adossé. En quoi la dimension culturelle serait-elle essentielle en secteur LANSAD ? Quelles seraient les stratégies pour enseigner ou faire découvrir les cultures des milieux spécialisés ? Sandrine Chapon (2011) avait montré que les FASP juridiques de langue anglaise font partie du paysage culturel des étudiants francophones, et que leur emploi comme support pédagogique peut permettre de faciliter l’accès à la culture-cible des milieux juridiques anglophones. Serait-il envisageable d’étendre et de systématiser ce type d’approche ? Existe-t-il des cultures professionnelles spécialisées qui font déjà ou pourraient faire l’objet d’une didactisation pertinente et efficace au sein du secteur LANSAD ?
  • Existe-t-il, au sein du secteur LANSAD en France, comme le soulignait Gail Taillefer (2007), des spécificités culturelles et mémorielles particulières ? En quoi sont-elles des forces de progrès, ou font-elles obstacle à certaines avancées qui seraient nécessaires ? Sont-elles des défis ou des chances ?
  • Quelle est la place des mécanismes mémoriels dans l’enseignement et l’apprentissage des langues de spécialité ? Est-il possible de les modéliser et d’en dresser un portrait épistémologiquement crédible, comme tentait de le faire Jean-Paul Narcy-Combes (2006) en décrivant deux modes de fonctionnement mémoriel en production langagière et en tâches d’apprentissage ?
  • La didactique des langues et des cultures a été traversée, depuis le début du XXe siècle par de multiples courants méthodologiques (méthodes directe ou audio-orale, puis approches communicative et co-actionnelle dans la période plus récente, par exemple). Une didactique de la langue qui serait spécifiquement ancrée dans l’anglais de spécialité, perspective que traçaient Cédric Sarré et Shona Whyte (2016), devrait-elle s’inscrire, ou peut-être se libérer de ces grands paradigmes d’enseignement et d’apprentissage ? Que retenir de l’héritage de ces écoles de pensée en didactique des langues ? Un droit d’inventaire vis-à-vis d’elles est-il possible à l'heure actuelle dans l’enseignement supérieur français ?

 

Corpus spécialisés, linguistique de corpus

  •  Comment la linguistique de corpus peut-elle déceler et caractériser les aspects culturels et mémoriels des corpus spécialisés ? Le caractère souvent ineffable et immatériel des cultures, des mémoires et des héritages au sein des communautés spécialisées anglophones fait-il obstacle à des approches textométriques qui permettraient d’en tracer les contours ? Au sein des corpus spécialisés, quelles seraient les éventuelles marques distinctives des cultures et des mémoires ?

 

Traductologie et traduction spécialisée

  • En quoi la traduction de textes, notamment de documents spécialisés, implique-t-elle un transfert culturel ? Jacqueline Guillemin-Flescher (1994) avait indiqué que les traducteurs sont souvent amenés à transférer d’une culture nationale à une autre une forme d’esprit de la langue, c’est-à-dire une « stylistique collective » constituée autour de comportements culturels communs. En traduction juridique, Claude Bocquet (2008) avait également souligné toute l’importance des paramètres culturels. En quoi la prise en compte des dimensions culturelles et mémorielles est-elle pertinente pour traduire des textes spécialisés ?
  • Outils de taylorisation de la traduction pragmatique et spécialisée, les « mémoires de traduction » symbolisent le fait que traduire, c’est souvent activer des énoncés qui préexistent dans des communautés humaines pour décrire certaines thématiques ou étiqueter certains phénomènes. L'avènement des intelligences artificielles en traduction, et le déplacement que celles-ci amènent dans le positionnement professionnel des traducteurs (de plus en plus réviseurs de traductions automatiques), modifient-ils en profondeur la place de la mémoire discursive, terminologique et phraséologique en traduction ?
  • L’histoire de la traduction pragmatique et spécialisée fait-elle apparaître des cultures et des traditions particulières dans la manière de traduire ? En quoi les traducteurs d’aujourd'hui sont-ils les dépositaires d’héritages méthodologiques et épistémologiques plus anciens ? Ces héritages sont-ils un horizon indépassable, un écueil ou une richesse ?

 

Histoire et épistémologie de la recherche en anglais de spécialité

  •  À l’heure où la communauté du GERAS s’achemine peu à peu vers son 50è anniversaire, serait-il pertinent d’exercer un droit d’inventaire sur la mémoire et les héritages des travaux de l’École française de l’anglais de spécialité ? Quel regard rétrospectif pouvons-nous porter sur la culture scientifique que nous avons forgée ensemble au fil du temps ? En quoi sommes-nous les dépositaires et les héritiers des grandes voix et des figures qui ont marqué notre histoire, et construit les cadres épistémologiques qui président à nos réflexions aujourd’hui ?

 

Adresser les propositions de communication à

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avant le 16 décembre 2022.

Format Word ou Open Office souhaité.

Les notifications d’acceptation seront adressées aux auteurs avant le 27 janvier 2023.

 

Références

Bocquet C., 2008, La traduction juridique, fondement et méthode, Bruxelles, De Boeck.Bourdieu P., 1980, Le sens pratique, Paris, Minuit.
Bronckart J.-P., 2004, « Pourquoi et comment analyser l’agir verbal et non verbal en situation de travail ? », dans Fillietaz L., Bronckart J.-P. (dir.),
Agir et discours en situation de travail, Genève, Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 11 144.
Chapon S., 2011, « FASP juridique télévisuelle : gros plan sur les étudiants en droit et zoom arrière sur une approche pédagogique », Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité.
Cahiers de l’Apliut, Vol. XXX N° 2, 112 128.
Courtine J.-J., 1981, « Quelques problèmes théoriques et méthodologiques en analyse du discours. À propos du discours communiste adressé aux chrétiens »,
Langages, 62, 9 128.
Cuche D., 2004,
La notion de culture dans les sciences sociales, Paris, la Découverte.
Guillemin- Flescher J., 1994, « Langage, culture et traduction »,
Équivalences, 24, 1, 37 54.
Halbwachs M., 1994 [Première publication en 1925],
Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel.
Moirand S., 1999, « Les indices dialogiques de contextualisation dans la presse ordinaire »,
Cahiers de praxématique, 33, 145 184.
Moirand S., 2007,
Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser, comprendre, Paris, PUF.
Narcy-Combes J.-P., 2006, « Deux modes de fonctionnement mémoriel en production langagière et tâches d’apprentissage des langues »,
Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité. Cahiers de l’Apliut, Vol. XXV N° 2, 77 87.
Paveau M.-A., 2006,
Les prédiscours : sens, mémoire, cognition, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle.
Paveau M.-A., 2008, « Paroles antérieures. Les prédiscours entre mémoire et cognition »,
Revue de Philologie et linguistique portugaise, Numéro spécial sur l’analyse du discours, 311 331.
Sarré C., Whyte S., 2016, « Research in ESP teaching and learning in French higher education: Developing the construct of ESP didactics », ASp. la revue du GERAS, 69, 139 164.
Schermerhorn R.A., 1970,
Comparative Ethnic Relations: A Framework for Theory and Research, First Edition, New York, Random House.
Swales J., 1990,
Genre Analysis: English in Academic and Research Settings, Cambridge, New York, Cambridge University Press.
Taillefer G., 2007, « Le défi culturel de la mise en œuvre du Cadre européen commun de référence pour les langues : implications pour l’enseignement supérieur français », Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité. Cahiers de l’Apliut, Vol. XXVI N° 2, 33 49.
Wozniak S., 2019,
Approches ethnographiques des langues spécialisées professionnelles, Berne, Peter Lang.